Pour Chateaubriand, les "Mémoires" ne sauraient être l'occasion de faire preuve d'humilité. L'autobiographie, contrairement à Rousseau, ne saurait être assimilée à une succession d'aveux embarrassants pour son amour-propre ou celui de ses amis. Elle est, tout au contraire, une entreprise parfaitement assumée de la glorification de soi. Cette autobiographie est son autocélébration qui se résume au chapitre VII du livre XV: "Mon seul bonheur est d'attraper quelques heures, pendant lesquelles je m'occupe d'un ouvrage qui peut seul apporter l'adoucissement à mes peines : ce sont les "Mémoires" de ma vie. Soyez tranquille; ce ne seront point des confessions pénibles pour mes amis : si je suis quelque chose dans l'avenir, mes amis y auront un nom aussi beau que respectable. Je n'entretiendrai pas non plus la postérité du détail de mes faiblesses: je ne dirai de moi que ce qui est convenable à ma dignité d'homme et, j'ose le dire, à l'élévation de mon coeur. Il ne faut présenter au monde que ce qui est beau; ce n'est pas mentir à Dieu que de ne découvrir de sa vie que ce qui peut porter nos pareils à des sentiments nobles et généreux. Ce n'est pas, qu'au fond, j'aie rien à cacher; je n'ai ni fait chasser une servante pour un ruban volé, ni abandonné mon ami mourant dans une rue, ni déshonoré la femme qui m'a recueilli, ni mis mes bâtards aux Enfants-Trouvés; mais j'ai eu mes faiblesses, mes abattements de coeur; un gémissement sur moi suffirait pour faire comprendre au monde ces misères communes, faites pour être laissées derrière le voile. Que gagnerait la société à la reproduction de ces plaies que l'on retrouve partout ? On ne manque pas d'exemples, quand on veut triompher de la pauvre nature humaine".
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